"L'impossible capitalisme vert" Daniel Tanuro
Article publié le 07/08/2019. Merci à Marion pour la correction.

Dans l'espace publique, la question écologique prend une place de plus en plus importante. Que ce soit les initiatives comme "L'affaire du siècle", la montée en puissance de mouvement comme la collapsologie, ou encore la médiatisation de personnalitées comme Greta Thunberg ou Aurélien Barraux, l'état de la planète semble préoccuper de plus en plus l'espace médiatique, ainsi que la société toute entière, les jeunes en première ligne. Alors que nous cherchons des solutions, rien ne semble bouger malgré alors même que la volonté générale semble être de voir les choses changer. Pourquoi ? Daniel Tanuro a peut-être la réponse.
La crise écologique: une crise inégalitaire
Mais
avant d'aller plus en détail dans le fond du problème et d'analyser
ce qui ne va pas dans notre façon d'aborder le défi écologique, il
est important de faire une piqûre de rappel sur les effets du
changement climatique. On connait par coeur le refrain sur la
biodiversité, la disparition des espèces, la fonte des glaces ...
Loin de moi l'idée de minimiser ces conséquences du changement
climatique , elles sont graves, et risque de nous retomber dessus de
façon plus violente qu'on ne le croit en affectant le secteur
agricole. Mais ces conséquences sont déjà bien connu de tous, et
c'est d'ailleurs celles qui viennent en premier lorsque l'on parle du
réchauffement de la planète.
Mais il y a une facette du
changement climatique que l'on connait moins, c'est celle des
désastres humains. En effet, en plus de détruire à grande échelle
les richesses de la Terre, c'est nous, être humain, qui allons subir
les conséquences de nos propres vices. Mais ne nous y méprenons
pas: les conséquences ne seront pas réparties équitablement au
sein de l'humanité, certains ressentiront peu les conséquences du
changement climatique, tandis que d'autres en mourront. Le changement
climatique va provoquer tout un ensemble de catastrophe divers et
varié: on peut penser aux maladies qui vont se développer un peu
partout dans le monde, puisque la hausse des températures permettra
aux insectes qui portent ces maladies de se développer, ou encore
aux nombreuses inondations qui vont apparaître à la suite de la
fonte des glaces qui provoquera une hausse du niveau de la mer. Ces
événements vont nécessiter des infrastructures efficaces pour que
les dégâts soient limité, hors ces infrastructures sont certes
présentent dans les pays du nord, mais elles le sont beaucoup moins
dans les pays du sud. Ainsi, les pays pauvres vont plus subir les
conséquences du changement climatique que les pays riches.
D'ailleurs, au sein même de ces pays riches, les conséquences du
changement climatique ne seront pas les mêmes, puisque ces mêmes
infrastructures ne seront pas reparti de façon équitable au sein
des territoires des pays riches. Outre les pauvres, les femmes seront
elles aussi plus touchées par le changement climatique que les
hommes: dans les pays riches, elle sont surreprésentées parmi les
précaires qui subiront de plein fouet les conséquences de la crise
écologique, dans les pays du Sud, ce sont elles qui effectuent les
tâches ménagères, tâches qui deviendront plus ardue avec le
réchauffement climatique (on peut penser à la récolte du bois par
exemple).
Là où l'injustice est d'autant plus grande, c'est que
si on se fie au GIEC, ce sont les pays du nord qui polluent le plus ,
loin devant les pays du Sud, et c'est à eux de faire le plus
d'effort pour réduire les émissions de gaz à effet de serres. On
rétorquera sûrement à cela que certains pays du Sud comme la Chine
sont des pays très pollueurs, mais il faut rappeler que si la Chine
pollue autant, c'est parce que les pays du nord y ont installé de
nombreuses usines très polluantes. Ainsi, on se retrouve dans une
situation où les pays du nord provoquent des catastrophes qui
tueront et atteindront essentiellement les pays du sud. Et les
solutions proposées pour pallier à ces problèmes sont souvent
teinté d'une hypocrisie elle aussi très inégalitaire: en effet ,
on propose souvent de réduire la population mondial pour pouvoir
lutter contre le changement climatique. Or, les pays qui continuent à
voir leurs populations augmentées à grande vitesse ce sont les pays
du sud, pays où le mode de vie est peu polluant. Le problème n'est
en réalité pas qu'il y a trop de gens sur terre, mais qu'il y a
trop de gens qui vivent en consommant comme le font les pays du nord.
L'oxymore
du capitalisme écologique
On
dit du changement climatique qu'il est anthropique
, c'est à dire causé par l'Homme. Cette formulation est plutôt
maladroite et ne cerne pas le coeur du problème. Alors il n'est pas
question ici de dire que l'Homme et ses activités n'ont aucun effet
dans le changement climatique, bien au contraire, ils en sont en
grande partie responsable, mais la cause de la pollution est le fait
de notre mode de production plutôt que de notre activité dans
l'absolue. En effet, le fait que l'Homme pollue est un phénomène
récent, lié à l'émergence du capitalisme et à la révolution
industrielle. Certains répondent à cela que, le coeur du problème
n'est pas le capitalisme, ni même la façon dont notre société
s'organise et organise la production, mais qu'il est d'ordre
technologique: ce sont nos technologies qui polluent, et le progrès
technique nous permettrait de sauver la planète grâce à
l'emergence de nouvelles technologies vertes.Dans les faits, cela
fait des années que nous savons comment produire de l'énergie sans
polluer, mais nous ne le faisons pas, car cela n'est pas suffisamment
rentable. Prenons un exemple: les panneaux photovoltaiques, nous
savons comment les fabriquer depuis 1836, pourtant on ne le fait pas,
pourquoi ? Parce que ça coûte cher, ce n'est pas assez rentable ou
efficient de faire de l'énergie ainsi, alors les entreprises
choisissent d'utiliser des ressources polluantes plutôt que celle
ci. Au travers cet exemple apparaît le coeur du problème: si nous
polluons, ce n'est pas parce que nous ne savons pas faire autrement,
mais parce que le capitalisme nous incite a faire ainsi.
Et
pourquoi nous incite-t-il a faire ainsi ? Pas par simple plaisir de
pourrir la planète, encore moins par méchanceté, les mécanismes
qui régissent le capitalismes sont bien moins simpliste que cela.
Daniel Tanuro met en avant deux mécanismes qui poussent à ne pas
choisir les voies plus respectueuses de l'environement. Tout d'abord,
il y a la course au profit: le but des entreprises capitalistes est
de faire un maximum de profit, et pour cela il faut réduire les
côuts au maximum. Ainsi, comme nous l'avons dit précedement, les
entreprises font des choix non pas en fonction de ce que la planète
a besoin pour voir son état s'ameliorer, mais selon ce qui leur
coûtera le moins cher. Or, les énergies fossiles et polluantes sont
les moins chers, résultat, elles sont bien plus utilisées que les
énergies renouvelables. Second mécanisme mis en avant par Daniel
Tanuro: l'accumulation. Afin de garantir la croissance pour
continuellement faire toujours plus de profit, afin d'être toujours
plus compétitif et rentable, le capitalisme a besoin de créer de
plus en plus de marchandise, or, cette production a deux coût: le
premier est le côut de production de ces marchandises elles-mêmes,
le second est celui du transport de ces marchandises. Ainsi, de part
sa volonté d'accumuler toujours plus de richesse, le capitalisme en
arrive à engendrer toujours plus de pollution, et donc à détruire
toujours plus l'éco-système. La chose est d'autant plus
problématique que, la transition écologique va necéssiter une
hausse des émissions de gaz à effet de serre lié à la nécessité
de produire de nouveaux outils et infrastructures pour produire des
énergies renouvelables. Ainsi, la réduction de la production doit
être drastique afin non seulement de réduire la pollution et de
compenser la hausse de celle-ci lié à la transition écologique.
Le marché des émissions: étude de cas d'un échec du capitalisme vert
En 1997 s'est tenu le protocole de Kyoto, duquel est sorti plusieurs projets écologiques, dont la mise en place d'un marché d'emission de gaz à effet de serre. Le principe est simple: l'Etat donne des autorisations à polluer aux entreprises, des "droits d'emission de Co2". Si elles polluent plus que ce que les quotas d'émissions leurs permettent, alors elles seront punies. Si elles polluent trop, elles peuvent acheter des droits à polluer auprès des entreprises qui polluent moins. L'idée peut sembler ingénieuse, mettant ainsi le marché et les interêts du capital du côté de l'écologie, mais de fait, il n'en est rien. En effet, lorsqu'elle sont mises en place, ces politiques échouent car les Etats ne veulent pas brider la compétitivité de leurs entreprises, ainsi ils distribuent en masse des droits d'emissions. Résultat, peu d'entreprises sont en situation où elles polluent plus que ce que leurs droits d'emission leurs permettent. Les quelques unes qui sont dans cette situation vont pouvoir acheter à bas côut (puisque l'Etat en a donné en grandes quantitées) les droits d'emissions des entreprises qui ont réussi à polluer moins que ce que leurs droits leurs permettent. Résultats : aucune modification structurelle de la production, pas de transition pour le long terme, juste quelques entreprises qui se sont fait de l'argent en revendant des droits donnés par l'Etat.
Conclusion: quelles perspectives politique pour demain ?
En plus d'être très introductif et didactique, voire parfois un peu répétitif, l'ouvrage de Daniel Tanuro éclaircit deux points majeurs sur la question écologique: premièrement il met en lumière les conséquences réel du changement climatique. En effet, avec l'emergence de la collapsologie et du survivalisme, l'idée d'une apocalypse qui arriverait dans peu de temps semble avoir pris de plus en plus de place dans l'espace publique. Pourtant, la crise écologique aura des conséquences bien différentes de cela, et avant de se préoccuper d'une éventuelle fin du monde ou de la civilisation, il serait peut-être temps de s'occuper du coeur du problème: la destruction de la biodiversité et la mort de millions de gens, notamment dans les pays du sud, causé par le changement climatique. Là est l'enjeu réel du changement climatique, il faut sauver l'éco-système et les vies humaines. Le second point que l'auteur éclarcis est celui des perspectives politiques: il faut réarmer la gauche, créer un programme où le social et l'écologique se complètent et remettre en cause les fondements mêmes de la société capitalistes. C'est ici que se trouve notre salut, et non pas dans le progrès technologique et encore moins dans le marché. Ainsi, avec ce livre, Daniel Tanuro nous propose non seulement de mieux comprendre ce que nous allons affronter, mais il donne aussi de nombreuses pistes de réflexions et des propositons concrètes sur comment le faire.